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L’inconnu qui nous révèle et qui nous transforme

Updated: May 27, 2020



Quand j’avais 12 ans, je me donnais abondement à une activité : faire du vélo. Je me donnais à cette activité d’une manière quasi-journalière, jusqu’à épuisement physique: une vraie passion. Ceci dit, et pour vous permettre de situer le contexte, je vivais dans un quartier populaire et il n'était pas question de sortir en bas de l’immeuble pour faire un tour, tout simplement parce qu’il n’y avait ni espace dédié, ni jardin proche avec une piste cyclable. Naturellement, il était question d’aller au-delà de mon quartier et de faire des trajets en ville. A l’âge de 12 ans, s’aventurer, seul, dans une grande ville sans GPS, sans Google Maps, et sans Waze était une aventure, au vrai sens du terme.


Dans l’absolu, l’aventure est très intrigante comme elle mène vers l’inconnu, mais elle est excitante comme elle permet de découvrir cet inconnu. Qui dit « intrigue », dit clairement une double face d’une pièce: menace et opportunité. La menace de rencontrer un danger et de payer le prix cher, ou l’opportunité de s’éclairer, de se surpasser et de développer ses capacités.


Pour revenir à mon aventure à vélo, j’ai été chanceux de ne pas avoir été confronté à des menaces qui m'auraient empêché de continuer l’ambition de découverte que j'avais entreprise. Il y avait des menaces et des dangers, mais l’essentiel était qu’ils ne m'avaient pas marqué et je ne m’en rappelle vraiment pas. Ce dont je me rappelle concrètement est ma passion pour cette activité et comment elle m’a permis, dans les circonstances de mon quartier populaire et ma décision d’explorer la ville progressivement, de me découvrir et ce beaucoup plus que découvrir la ville elle-même.


Je suis reconnaissant à cette expérience et à l’environnement modeste où j’ai grandi, à plusieurs niveaux. Si je n'avais pas vécu dans un quartier populaire et si j’avais eu à ma disposition un environnement sécurisé proche de mon quartier, je n'aurais jamais pu aller au-delà et explorer mes limites, me mettre à l’épreuve de la difficulté de trouver des chemins, réfléchir différemment chaque jour pour emprunter des trajets différents, et m’assurer de revenir en un seul morceau à la maison après 2 ou 3 heures dans une ville que j'explorais progressivement, et qui avait bien entendu des facettes obscures et dangereuses.


Avant d’aller plus loin, il est important de s’arrêter ensemble sur un point essentiel : il y a des activités que nous entreprenons d’une manière régulière et que nous sous-estimons alors qu’elles forgent notre personnalité dans des environnements particuliers. Si nous dédiions assez de temps, pour faire une « pause » et réfléchir à ces activités et ce qu’elles nous apportent, nous serions étonnés comment elles nourrissent notre développement personnel, quand nous capitalisons dessus. La « pause » est importante pour comprendre l’apport et en bénéficier pour se développer, car sans prise de conscience, nous ne naviguerons que dans le flou et nous ne saurons pas capitaliser sur ce que nous apprenons. Sans « pause » sur l’apport de vos activités, aucun apprentissage et aucune capitalisation ne sont possibles. C’est ce que John Maxwell appelle la loi de la réflexion dans son livre « Les 15 Lois de la Croissance ».


A 12 ans, je n’avais pas assez de maturité pour faire cette « pause » et analyser les apprentissages de mes sorties à vélo dans un environnement inconnu. Ceci dit, j’ai eu un déclic quelques dizaines d’années plus tard qui m’avait rappelé cette expérience et m’avait permis d’en explorer les détails. Il n’est pas tellement spontané de se rappeler de nos expériences passées et d’en tirer des leçons qualitatives, mais avec une volonté convenable pour faire une « pause » introspective, je suis convaincu que c’est bien possible.


Faire face à l’inconnu quand je sortais pour me balader à vélo était devenu une motivation en soi. En fonction des personnes, une telle motivation peut varier dépendamment de ses intérêts et de sa personnalité. Mais réfléchissons un peu plus par rapport à cette question : est-ce que nous considérons, à priori, que l’être humain déteste l’inconnu et aime plus la certitude ? Si vous considérez que l’être humain a une aversion parfaite pour l’inconnu et plus de penchant vers le prévisible et le maitrisable, je vous invite à réfléchir autour de cette belle citation de Allain Watts, philosophe anglo-américain : « Supposons que vous soyez capables de faire tous les rêves que vous voulez chaque nuit. Et que vous puissiez, par exemple, avoir le pouvoir, en une nuit, de rêver 75 ans de temps, ou n'importe quelle durée de temps que vous souhaitez avoir. Et que, naturellement, en vous lançant dans cette aventure de rêves, vous réaliseriez tous vos souhaits. Vous auriez tout le plaisir que vous pourriez concevoir. Et après plusieurs nuits de 75 ans de plaisir total chacune, vous diriez "Eh bien, c'était plutôt génial". Mais maintenant, laissez-moi vous faire une surprise. Faisons un rêve qui n'est pas sous contrôle, où il va m'arriver quelque chose dont je ne sais pas ce que ce sera. Et vous creuseriez ça et vous en sortiriez en disant "Wow, j’ai failli ne pas m’en sortir, n'est-ce pas ?" Et puis vous deveniez de plus en plus aventureux, et vous faisiez de plus en plus de paris sur ce dont vous rêviez. Et enfin, vous rêveriez... là où vous êtes maintenant. Vous rêveriez du rêve de vivre la vie que vous vivez actuellement ».


Vous l’avez bien compris : l’inconnu et l’aventure sont l’essence même des chemins que nous parcourons personnellement et professionnellement parlant. L’imperfection du chemin que nous traversons est ce qui fait son charme, et chaque fois que vous êtes devant une embuche ou une crise, rappelez-vous du signe qui désigne « crise » en chinois (危机). Le premier des deux caractères (à gauche) fait référence au danger. Le deuxième caractère (à droite) est plus associé à l’opportunité et à la chance. Sans cette dualité en situation de crise, le chemin que nous traversons n’aura pas de goût. Ce goût compte plus que la destination et la réussite ne peut se produire que si notre attention est articulée pour tirer le mieux des opportunités et des menaces.


par Farid Yandouz


Suite à la diffusion de cet article, j'ai eu le plaisir de recevoir plusieurs feedbacks. Je me permets de partager avec vous un exemple de feedback qui m'a inspiré. Je suis convaincu qui le sera pour vous aussi (Source: Madame F.H.): ... Reconnaissante pour votre partage. Sincèrement vous avez pu vibrer mon coeur et me faire revivre et revoir une période de mon enfance par la "pause " que vous nous avez suggéré de faire ainsi que sa trajectoire sur notre vie actuelle. Moi aussi j'ai vécu dans un quartier populaire et j'en suis très fière. Durant les années 70, j'avais une chance exceptionnelle et même très rare à l'époque car en tant que petite fille de 8 ans, j'avais le droit de sortir de mon quartier vers d'autres, je suis la 1ère fille après 4 garçons ,la 1ère condition de cette liberté qu'était la sécurité était remplie. En plus des conditions posées par mes frères : interdit de pleurer devant les autres garçons, interdit de porter une jupe ou robe,interdit de ne pas faire les courses à leur place, etc...en plus de quelques conditions exceptionnelles comme par exemple déclencher une guerre entre quartiers par seulement le fait de passer dans le quartier à attaquer. Et grâce à vous ,j'ai pu faire la concordance de ce que j'ai vécu avec la façon dont je mène ma vie maintenant : je ne cède jamais ma liberté , je garantie ma sécurité et je ne savoure que les réalisations faites par mes propres moyens. Vraiment, les divers et les durs "l'inconnu" passés dans la vie nous obligent à revoir et revoir notre vie et la transforment parfois radicalement. Monsieur Farid je ne peux que vous exprimer ma gratitude pour l'exploit que vous m'avez fait vivre. Merci

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