Il faut admettre que le poids du contexte organisationnel conditionne la performance des individus, des équipes et des managers qui les gèrent. L’environnement organisationnel et les postures des managers sont incontournables pour avoir des collaborateurs capables de donner le mieux d’eux-mêmes, tout en ayant la capacité de se détacher du conditionnement de tous les jours et créer des environnements pro-innovation, il faut éviter de se précipiter ou de blâmer les capacités individuelles au lieu de corriger les freins organisationnels. Vous pouvez souvent avoir des collaborateurs non épanouis et démotivés au sein de votre organisation, et qui deviennent extrêmement inventifs et productifs dès que vous les sortez de l’organisation et que vous les mettez dans un contexte différent même avec des gens qu’ils ne connaissent pas !
Dans un des séminaires que j’ai eu le plaisir d’organiser dernièrement autour de l’Innovation managériale (Management 3.0), j’ai côtoyé des cadres supérieurs et des exécutifs épanouis et insufflant une énergie dans les groupes et les individus qu’ils viennent de rencontrer depuis quelques heures à peine. Les groupes se créent et se métamorphosent sous l’influence d’un environnement propice. La question que je me suis posée : Est-ce que ces personnes agissent de la sorte dans leur propre organisation ? La réponse n’a pas tardé à venir. À la fin du séminaire, j’avais envoyé un message à l’un des participants pour lui souhaiter une semaine pleine de motivation et d’inspiration. Quelques minutes plus tard, il m’avait répondu : «La motivation et l’inspiration… pas là où je suis actuellement. J’en ai marre ! Je ne peux plus supporter la stupidité des gens dans cette entreprise. Ce que je suis en train de faire ce matin, le comparant avec ces trois jours qu’on a passés dans la cadre du séminaire, c’est comme si j’ai fait un voyage dans le temps».Cette réponse montre et démontre le gâchis du potentiel des collaborateurs non épanouis, et à quel point ce gâchis constitue aussi un malaise organisationnel très préoccupant. Les origines de ce malaise sont multiples, mais permettez-moi de partager avec vous quelques analyses qualitatives selon des «verbatim» des personnes que je rencontre dans les séminaires que j’organise. Tout en exprimant une satisfaction par rapport aux différents workshops et expériences, ces personnes se demandent souvent : «Pourquoi nos managers n’assistent-ils pas à ces séminaires ? Malgré leurs qualités techniques, il est insensé que nos managers continuent à nous gérer comme ils le font actuellement». Cette remarque est récurrente et vous avez probablement eu l’occasion de l’entendre. Elle reflète un décalage entre ce que les managers sont censés faire et ce qu’ils se contentent de faire. On a souvent à faire à des employés qui comprennent les challenges et les défis du management et qui trouvent que leurs managers ne les appliquent pas correctement. Durant les diverses missions de diagnostic stratégique que j’ai eu l’occasion d’effectuer auprès de grands groupes internationaux, le vrai problème derrière ce malaise n’est pas lié à une question d’incompétence des managers. Vous pouvez avoir des managers compétents et très intelligents, mais avec des équipes non épanouies et non impliquées. La raison est que ces managers sont souvent sous un effet tunnel qui les empêche de tirer le mieux de ce qu’ils sont, de ce qu’ils savent être et de ce qu’ils savent faire. Ces managers ne s’obligent pas à repenser leur performance en pensant efficience et agilité au lieu de ne penser qu’efficacité.
Dès que vous faites sortir les cadres de leur environnement organisationnel et que vous les mettez dans des expériences interentreprises, ils vous diront qu’ils sont reconnaissants pour les opportunités d’épanouissement que vous leur offrez (apprentissage, networking, partage…). Ceci dit, il y a toujours une raison qui sort plus tard dans les discussions une fois que nous dépassons la zone de «ice breaking» dans des événements interentreprises. Certains affirment souvent dans les workshops que j’anime : «Nous sommes vraiment ici pour penser autrement et réfléchir à nos problèmes en évitant les prismes des soucis journaliers et surtout les vagues des sollicitations incessantes qui nous empêchent de réfléchir autrement, voire nous empêcher de réfléchir tout court». L’apprentissage majeur à partir de ce constat est la nécessité de savoir arrêter de penser sous le prisme de l’engrenage journalier et de créer des environnements où on est capable de se détacher des fardeaux organisationnels afin de penser librement et repenser nos problèmes convenablement.
Par Farid Yandouz
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